Avec un premier tirage pharaonique de 5 millions d'exemplaires (dont 2 pour la France), le 36ème album des aventures d'Astérix et Obélix, comme ses prédécesseurs, devrait tout écraser sur son passage. Pourtant, Le papyrus de César n'est que la seconde réalisation du nouveau tandem en charge des héros éternels créés, en 1959, par Uderzo et Goscinny. Le précédent, Astérix chez les Pictes, avait agréablement surpris sans tout à fait convaincre… Jean-Yves Ferri (scénario) et Didier Conrad (dessin) s'en sont-ils mieux sortis cette fois-ci ? 20 Minutes a lu l'album et vous livre ses premières impressions.
L'intrigue
Une fois n'est pas coutume, le récit débute à Rome où César vient de terminer l'écriture de ses Commentaires sur la guerre des Gaules. Son éditeur, Bonus Promoplus (inspiré du publicitaire Jacques Séguéla), lui conseille de supprimer un passage qui fait tâche, «Revers subis face aux irréductibles Gaulois», dans lequel est consignée la résistance du village d'Astérix et Obélix. César accepte, et le papyrus concerné doit être détruit… sauf qu'un des scribes qui l'ont recopié le confie secrètement à un « colporteur de nouvelles » gaulois (dont les traits sont inspirés de ceux de Julian Assange). Une catastrophe pour César, car si le sénat romain apprend la vérité, il pourrait lui couper les vivres. Recherché, Doublepolémix (qui a failli s'appeler Wikilix) fuit et traverse la gaule pour remettre le précieux document à Astérix et Obélix…
Ère numérix
On a le sentiment que Ferri et Conrad ont enfin encaissé la pression - concevable - consécutive à la reprise des aventures d'Astérix. Alors qu'on les sentait « timides » car(trop) respectueux de leurs aînés dans Astérix chez les Pictes, ils se lâchent dans ce 36ème volume aussi inventif que rigolo. La recette de leur potion créative ? Confronter Astérix, ancré dans une histoire immuable, à la modernité de notre quotidien - un procédé dont usaient volontiers, et avec quelle maestria!, Goscinny et Uderzo. Le papyrus de César enchaine ainsi les références à l'univers numérique qui caractérise le 21e siècle.
Des trouvailles géniales
Pour y parvenir, pas besoin de recourir à des anachronismes : il suffit de transposer, par Toutatis ! Par exemple, un nouveau système de communication ultra-rapide (à base de transfert de messages véhiculés par des pigeons) est dirigé par un certain Résowifix. Les druides, eux, échangent à l'aide de flûtes dont la seule note est un long « twiiiiit ». L'album fourmille de dizaines de ces petites trouvailles assez géniales qui font écho à nos nouveaux usages. C'est malin, très malin, et ça inscrit ce volume dans son époque tout en respectant les codes de la série.
Bourré de gags vraiment marrants, de savoureux jeux de mots («Il m'a semblé voir fuir un Numide !» «Un Numide qui fuit ? Ahaha ! Elle est bien bonne») et de trouvailles que n'aurait pas reniées le grand René Goscinny, Le papyrus de César est assurément une réussite. Ayant habilement intégré des éléments marquants de notre temps (Internet, Wikileaks etc), il saura séduire les plus jeunes lecteurs… sans froisser ceux, plus anciens, qui restent attachés à un schéma narratif qui a bercé leur enfance. La performance, notable, est à mettre au crédit de Ferri ; même si Conrad a, lui aussi, progressé graphiquement - la différence avec les dessins d'Uderzo est imperceptible. Le duo déclarait récemment avoir « des dizaines d'idées de scénario en réserve ». Au vu de ce qu'ils viennent de réaliser, on ne peut que s'en réjouir.